Jeudi 12 octobre 2017, la Science était en fête au Lycée Carnot de Dijon, avec une conférence[1] sur ce thème donnée par Jean-Pierre Perves, ancien directeur de différents Centres de Recherches au CEA.
Jean-Pierre Pervès : « le changement climatique est une réalité avec l’augmentation de la température de la planète, un niveau de la mer qui s’est élevé de 20 cm, une limite pluie/neige plus élevée de 200 m et des vendanges précoces de 3 semaines. »
La biomasse n’absorbe plus que le quart du CO2, la moitié étant stockée dans l’atmosphère et le reste dans la mer. Cela résulte essentiellement de l’utilisation massive des combustibles fossiles ; ils représentent en 2016 78,4% des ressources énergétiques avec des réserves qui s’amenuisent mais qui sont encore importantes en charbon, pétrole, gaz.
Quatre pays, la Chine, l’Inde, la Russie et les USA pèsent pour moitié dans les émissions de CO2 de la planète, alors qu’Europe et France n’en émettent que 10% et 1% respectivement.
Comment les différents pays réagissent-ils ? Jean-Pierre Pervès : « Nous sommes en face d’une compétition globale, les grands émetteurs de C02 ayant proposé des réductions plutôt modestes de leurs émissions lors des COP 21 et 22, alors que l’Europe s’est fixé des objectifs très ambitieux, bien qu’elle ne pèse que peu dans le bilan global.
Le marché européen de l’électricité est en pleine tourmente avec un régime libéral qui s’impose aux sources d’électricité principales, qui assurent l’équilibre du réseau (fossiles, nucléaire et hydraulique) alors que les énergies renouvelables électrogènes sont fortement subventionnées avec une production prioritaire sur le réseau. L’obligation qu’a le réseau d’être toujours équilibré en intégrant des énergies très intermittentes comme le solaire et l’éolien conduit à un surinvestissement massif. Cette évolution est confirmée par l’analyse de 15 années de transition énergétique en Allemagne avec un bilan dérisoire sur les émissions de CO2 malgré des investissements considérables, de 200 milliards. »
La France émettant très peu de CO2 : l’impact de ses efforts sera limité alors que sa situation économique est fragilisée par sa dette, 2000 milliards, et ses importations de combustibles fossiles, 35 milliards € en 2015.
Une analyse factuelle de sa situation montre que la France a, grâce au nucléaire, réalisé une bonne part de sa transition énergétique, les émissions de notre secteur électrique étant déjà très inférieure à celle de l’Allemagne (61 g/kWh au lieu de 480).
Pourra-t-on se passer du nucléaire en introduisant massivement une électricité intermittente et très aléatoire (voir le site Eco2Mix de RTE) et réduisant le nucléaire ?
La loi LTE CV prévoit de réduire la part du nucléaire à 50% (au lieu de 75 % aujourd’hui) d’ici 2025 et un développement de l’éolien et du solaire de presque un facteur 3 entre 2015 et 2023. Cela représente un investissement de 60 à 70 milliards d’€ en 8 ans avec des panneaux solaires et de nacelles éoliennes totalement importée aujourd’hui, auquel il faudra ajouter les turbines à gaz si on arrête les centrales nucléaires. L’apport de ces nouveaux investissements (51TWh/an) étant loin de compenser la baisse du nucléaire (-140 TWh), le résultat sera extrêmement négatif. Il faudra faire appel à des productions fossiles nationales ou importées.
Autant un développement même couteux de l’éolien et du solaire sera indispensable dans des pays qui utilisent massivement le charbon et le gaz pour produire leur électricité, autant il sera très peu efficace en France : l’électricité provient des combustibles fossiles pour 67% dans le monde, 62 % en Allemagne et seulement 6 à 7 % en France.
L’analyse de la transition énergétique en France montre qu’elle n’est pas sur une bonne voie. Elle vise à une réduction des usages de l’électricité et donne priorité au développement des énergies renouvelables, même quand elles se substituent à une énergie non carbonée comme le nucléaire.
Nous devrions au contraire nous appuyer sur un usage renforcé de l’électricité pour réduire les émissions dans les trois domaines qui pèsent le plus chez nous, les transports (41% de notre CO2), les bâtiments (25%) et l’industrie (17%).
Notre nucléaire est sûr, sans impact sur notre environnement et compétitif. C’est une force sur laquelle nous devrions nous appuyer, la qualité de notre électricité étant une des meilleures du monde.
En conclusion, Jean Pierre Perves souligne : « N’oublions pas l’urgence climatique. Un million de tonnes de CO2 évité dans cette décennie sera plus efficace qu’un million de tonnes évité dans 30 ans. Donnons priorité dans les 10 ans à des énergies décarbonées matures et compétitives. Pour de nombreux pays dont les plus importants, charbon et gaz resteront essentiels. Il faudra développer la séquestration du gaz carbonique en plus d’un développement du nucléaire et des énergies renouvelables. A chaque pays de trouver son mix le plus efficace et compétitif. Sinon le changement climatique imposera des adaptations lourdes de nos économies et de modes de vie, avec des risques migratoires considérables »
De nombreuses questions ont prolongé la conférence. Parmi les jeunes, elles ont porté sur les ressources en uranium, le devenir des déchets, et la fusion nucléaire.
[1] Conférence organisée conjointement par la SFEN et WiN Bourgogne Franche Comté, le CCSTI, Sauvons le Climat, et l’Association des Retraités du CEA