Safié pouvez-vous nous résumer votre parcours scolaire et étudiant ? Merci de nous expliquer votre choix d’orientation
Après l’obtention de mon Bac S, je me voyais déjà médecin généraliste. J’ai donc été admise en faculté de médecine. ce n’est qu’après 3 ans d’études de médecine que je découvre la filière nucléaire lors des portes ouvertes de mon université. Ce monde qui m’était inconnu mais me passionnait déjà par la polyvalence de ses débouchés, va très vite me séduire au point de vouloir y exercer. Je poursuis donc en Licence Professionnelle Techniques Nucléaires et Radioprotection puis en Master Utilisation des Rayonnements Ionisants pour l’industrie et la Médecine de l’Université de Clermont Auvergne. Ce Master, à cheval entre l’industrie nucléaire et le médical, est accrédité pour la préparation du concours du Diplôme de Qualification en Physique Radiologique et Médicale (DQPRM). A l’issue de ces 2 ans de Master, j’en ressors Ingénieur Nucléaire, mais je suis également admise au Concours National du DQPRM dans lequel je vais poursuivre.
Où et comment avez-vous débuté votre parcours professionnel ?
Ma première expérience professionnelle dans le nucléaire est mon stage de Licence professionnelle. En effet mon choix de cette licence était basé sur la qualité des stages que proposait la formation. C’est donc dans le prestigieux Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN), que j’ai suivi mon premier stage et première expérience professionnelle, me permettant ainsi de m’immerger dans le nucléaire. Affectée au Laboratoire d’Analyses Médicales et Radiologiques (LAMR), j’ai travaillé sur l’étalonnage d’une chaîne de mesure et la mise en place d’un protocole optimisé dans le cadre d’une situation accidentelle.
Cette première expérience professionnelle était-elle conforme à vos attentes ? des surprises ?
Oui de cette première expérience dépendait mon choix de poursuivre ou non dans le nucléaire et j’ai immédiatement accroché. J’ai donc voulu aller plus loin. Alors que j’étais partagée entre le souhait de mes parents de me voir porter la blouse blanche un jour, et ma passion pour le nucléaire, nul besoin de choisir. La polyvalence des débouchés de la filière me permettait de faire les deux, en exerçant en qualité de radiophysicienne médicale.
En quoi consiste le métier de radiophysicien/ne médical(e) ?
C’est un poste à niveau bac+7. Il faut passer le concours du DQPRM pour pouvoir y accéder. C’est un concours national et le nombre de places d’admis est défini chaque année par la Direction Générale de L’offre des Soins (DGOS). Le radiophysicien peut exercer en imagerie médicale (médecine nucléaire et radiologie) ou en radiothérapie. Le métier est reconnu Profession de Santé.
En imagerie médicale, ses missions consistent globalement à optimiser les protocoles de traitement de sorte à garantir une bonne qualité d’image avec la dose la plus faible possible. C’est la radioprotection du patient. Aussi il est chargé des contrôles de qualité des dispositifs médicaux.
Figure 1 : Optimisation des protocoles en radiologie pédiatrique. Utilisation d’un fantôme pédiatrique pour l’estimation de dose reçue
En radiothérapie, le physicien médical est chargé :
- Des contrôles de qualité des appareils de traitement. Ces contrôles de qualité sont régis par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé.
- De garantir la dose de prescription au patient
- De réaliser les plans dosimétriques constituant le traitement en radiothérapie.
Figure 2: Plan dosimétrique d’un traitement de tumeur pulmonaire
Et aujourd’hui que faites-vous ?
Récemment diplômée (depuis Décembre 2021), j’ai signé mon premier CDI au sein du Pôle Santé Oreliance (à Orléans) en qualité de radiophysicienne au service de Radiothérapie.
Quelle est la part/place des femmes dans votre entreprise/secteur
Contrairement à l’industrie nucléaire, le médical nucléaire compte un nombre considérables de femmes. Je ne dirai pas qu’il y a une parité H/F mais on représente près du tiers quand même.
Avez-vous des projets dont vous souhaitez nous parler ?
Mon pays d’origine le Tchad a des sols uranifères. Mon projet serait de pouvoir contribuer à l’exploitation de cet uranium, permettant ainsi de relancer son économie mais aussi d’ouvrir la voie du nucléaire à mes jeunes compatriotes. Mais pour initier mon projet je manque de documentation disponible.
Par quoi êtes-vous passionnée ?
Mon métier me passionne, le fait de traiter les patients à partir de plans dosimétriques basés sur le principe de la physique et de l’interaction rayonnement matière.
Existe-t-il une femme qui vous inspire ou vous a inspiré ?
Isabelle ROSSINI, mon ancienne responsable de Licence professionnelle qui m’a communiqué la passion de la filière nucléaire. Sa formation dont je suis aujourd’hui l’ambassadrice est assez exhaustive pour donner un aperçu de toutes les applications de la filière, de quoi trouver son bonheur.
Quels conseils donneriez-vous à une jeune femme qui souhaiterait travailler dans votre domaine d’activité ?
C’est beaucoup de responsabilité mais pour l’ambitieuse que je suis, je m’y plais bien.
Quand on est au lycée ou à la fac, les matières scientifiques notamment la physique ne sont pas les matières les plus simples à comprendre. Beaucoup trop complexes pour la plupart, on se braque car on n’arrive pas à imaginer les débouchés professionnels.
La curiosité nous permet d’accéder même à l’impossible. Aujourd’hui je suis épanouie dans mon travail et je me dis que j’ai même le droit de m’en lasser car le jour où ce sera le cas, je pourrai me reconvertir dans le nucléaire industriel.
Comment avez-vous connu WiN France ? Que vous apporte cette association.
Grâce à ma responsable Universitaire Isabelle Rossini la présidente de la région Grand Est. Cette association me permet de partager mon engouement et passion de ma filière aux plus jeunes. Dans la conjoncture actuelle de chômage, les métiers du nucléaire regorgent plus d’offres que de postulants. Les étudiants se tournent tous vers des métiers classiques qui aujourd’hui recrutent peu. Les jeunes doivent savoir qu’il ne s’agit pas juste de faire des études et être diplômé. Trouver une embauche derrière c’est bien. Être épanouie dans son travail, c’est encore mieux.
Je suis très heureuse d’avoir figuré au palmarès du prix Fem’Energia 2017
Grâce à WiN France, j’ai l’opportunité d’aller vers ces jeunes et de contribuer à leur orientation/ information.
Propos recueillis par Cécile Bernard et Anne-Marie Birac