La SFEN, WiN Bourgogne Franche Comté et l’UTB de Chalon ont invité Jean Pierre Pervès, ancien directeur des centres de Fontenay aux Roses et de Saclay pour une conférence sur ce thème à l’IUT de Chalon le 5 Avril 2019

La connaissance de la structure de la matière s’est faite par petites étapes. En 1896, Becquerel découvre la radioactivité naturelle. JP Pervès : « il faut se rendre compte qu’à la fin du 19ème siècle on ne connaissait rien de la structure de la matière ; Thomson découvre les électrons en 1897, le proton en 1913. Rutherford a l’intuition, à la suite d’expériences, que la matière est faite de noyaux (que l’on savait de charge positive) entourés d’un nuage d’électrons. L’atome est sécable ». Les progrès continuent grâce aux travaux de Chadwick, Heisenberg, Szilard, Fermi, Hahn, Strassmann, Lise Meitner, Frédéric Joliot…

En février 1939 à Paris, Joliot, Halban (autrichien) et Kowarski (russe) réussissent à démontrer expérimentalement que la réaction en chaîne peut se produire. Fin avril 1939, Francis Perrin se joint à l’équipe pour résoudre le problème complexe de la masse critique. En trois mois, l’équipe met en évidence l’émission de nouveaux neutrons dans la fission, mesure leur énergie et détermine leur genre. Elle est en avance d’environ quinze jours sur l’équipe concurrente qui s’est constituée à New York autour d’E. Fermi et de L. Szilard. Des brevets sont déposés mais l’invasion de la France par l’Allemagne nazie interrompt les recherches.

JP Pervès : « La France se procure 5 tonnes d’uranium du Haut Katanga ; les Américains en acquièrent 1200 tonnes dès 1939, 1100 tonnes sont achetées par les Allemands, puis récupérées par les USA en 1944. L’eau lourde (D2O) provient de la Norvège car il faut beaucoup d’électricité pour la produire. En Juin 1940, l’uranium, qui devait rejoindre l’Angleterre est détourné vers la Maroc suite à un bombardement. Caché dans une mine de phosphate, il sera récupéré en 1946 par le général Paul Dassault et s’ajoutera à 3 tonnes « oubliées » par les allemands dans un wagon au Havre. Raoul Dautry,  expédie vers l’Angleterre Halban et Kowarski avec les brevets, les documents scientifiques et l’eau lourde. Ils prouveront là-bas qu’il est possible d’obtenir une réaction en chaîne, confirmant ainsi que le nombre de neutrons émis par la fission de l’atome d’uranium est suffisant ».

Mais le programme Manhattan est d’une toute autre envergure avec deux réacteurs plutonigènes Oak Ridge (1943) Hanford (1944) et l’enrichissement de l’uranium de 0,7 à 89% en trois étapes successives, qui mobilisent toutes trois de gigantesques installations : la diffusion thermique, la diffusion gazeuse et enfin la spectrométrie de masse dans des calutrons. Le 11 Juillet 1944, au consulat français au Canada, J. Guéron informe le Général de Gaulle du programme nucléaire secret des Américains, accompagné de Pierre Auger et Bernard Goldschmidt.

Sous l’impulsion de Joliot-Curie et de Raoul Dautry le CEA est crée le 31 Octobre 1945, avec une vision très large des opportunités ouvertes par les sciences et techniques nucléaires (production de radioéléments, biologie animale et végétale…). Des points essentiels sont acquis dès le début :

  • La nature du CEA : établissement de caractère scientifique technique et industriel, doté de la personnalité civile ainsi que de l’autonomie administrative et financière.
  • Son rattachement direct à l’autorité supérieure : il est placé sous l’autorité et le contrôle du président du Gouvernement

Le principe  d’un  bicéphalisme est retenu afin de libérer les savants des tâches administratives avec un comité scientifique et le Haut-commissaire, et afin de veiller cependant à sa bonne gestion avec un Administrateur général. F. Joliot est nommé Haut Commissaire, et R. Dautry Administrateur Général. Le comité est présidé par le ministre du développement industriel et scientifique.

L’ambition est forte au départ avec la volonté de construire un grand centre de recherche équipé d’un réacteur déjà puissant (quelques centaines de kW) et de nombreux ateliers et laboratoires. Mais le France est ruinée et son industrie pas encore prête.

JP Pervès : « De retour des USA, Bertrand Goldschmidt propose de construire une pile : UO2/D2O/Graphite : ZOE, qui sera dimensionnée par Kowarski. Elle est construite au Fort de Chatillon, bénéficiant ainsi de locaux certes inconfortables mais existants (aujourd’hui  Centre de Fontenay aux Roses), avec des moyens rudimentaires  beaucoup d’imagination et une volonté très forte. Elle diverge le 12 Décembre 1948 se classant le quatorzième des premiers réacteurs au monde : 8 américains 1942/1946, 1 russe 1945,2 canadiens 1947, 2 anglais 1947/1948 et ZOE 1948. »

En novembre 1949 on extrait quelques dizaines de milligrammes de Plutonium qui permettent aux scientifiques de s’initier à la chimie de ce métal.

Géographiquement, le plateau de Saclay est acquis en 1947, a proximité des écoles parisiennes et du CNRS récemment créé. On veut tout étudier et la polyvalence reste encore aujourd’hui sa marque. F.Perrin estimait que « les recherches sont indispensables au développement des programmes industriels futurs ». Un architecte de talent, Auguste Perret, dresse un plan d’ensemble répondant à la volonté de pluridisciplinarité des scientifiques, mais aussi avec une technique qui libère de grand espaces intérieurs et donne une grande souplesse d’aménagement. Le centre de Saclay reste très marqué par cette urbanisme initial. Dès 1952, sous l’impulsion de P. Guillaumat est créé CEA Industrie. Le développement du CEA a bénéficié d’un appui politique continuel avec F. Gaillard (1952), P. Mendès France, G. Palewski, De gaulle, Pompidou et Giscard d’Estaing. De fortes personnalités l’accompagnent,  Dautry, Guillaumat, Galley, Besse,…

Le CEA se déploie ensuite en France dans les années 1950 et début 1960 avec ses centres de recherche civils (Grenoble, Cadarache), puis militaires, et des industriels des établissements industriels majeurs: La Hague, Marcoule, Pierrelatte.

La conférence s’est poursuivie avec un débat apporté par de nombreuses questions.

Anne-Marie Goube, WiN Bourgogne

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